Passionné d'aventures en montagne depuis mon plus jeune âge, je vous propose de découvrir ce site internet dédié à mes périples en altitude. Vous y trouverez les récits, photos, et vidéos de toutes les ascensions que j'ai réalisées à ce jour dans le monde entier.
PICO RUIVO (1862 m) - Vereda do Arieiro
Juillet 2021 - Madère, Portugal
Jour 1 : Vertige au Pico Ruivo (1862 m)
Récit de l'expédition
Galerie photos
Le Pico Ruivo (signifiant "pic rouge" en portugais) est, avec 1862 mètres d'altitude, le point culminant de l'île de Madère et le troisième plus haut sommet du Portugal. Il est dépassé par le Ponta do Pico (Açores) et par la continentale Torre. Madère, île au climat subtropical, a surgi de l'océan Atlantique à l'époque tertiaire, lors d'éruptions volcaniques.
Son ascension peut se faire via deux itinéraires : soit depuis Achada do Texeira, soit depuis le Pico do Arieiro, un autre sommet situé au sud-est et accessible en voiture.
Ce dernier parcours est très réputé. En effet c'est une randonnée exceptionnelle qui alterne montées abruptes, descentes accentuées, escaliers et tunnels. Le tout par un sentier bien aménagé qui file le long d'arêtes escarpées sur plusieurs kilomètres. L'itinéraire est vertigineux et propice à la contemplation. La vue depuis le sommet embrasse à 360° une grande partie de l'île.
Bien que d'altitude modérée, le Pico Ruivo possède un paysage très minéral. La seule végétation qui peut s'y développer est de type rupicole : de la bruyère, très répandue sur l'île, et une végétation clairsemée dominée par des plantes herbacées.
On entend rarement parler de Madère, ce petit archipel portugais situé dans l'Océan Atlantique, au large des côtes marocaines. Et pourtant c'est un havre exotique et merveilleux, à quelques heures de vol seulement de la France. Sans doute découverte à l'Antiquité par les Phéniciens, puis visitée par les Vikings, et enfin conquise par les navigateurs portugais, l'île principale est découpée de superbes reliefs volcaniques. Le climat subtropical, tempéré toute l'année, permet d'effectuer sur ces montagnes de belles randonnées dans un cadre enchanteur, en étant doucement rafraîchi par la brise océane.
Eclairage divin vers la Caldeirão Verde
Plus loin nous explorons Funchal, capitale de Madère, et berceau du héros national. Un conquistador ? Non, un footballeur : Cristiano Ronaldo, qu'on ne présente plus. Il a son musée et sa statue, au pied de laquelle il est modestement qualifié de "meilleur joueur du Monde". Là encore, le titre est discutable !
Il existe un contraste saisissant entre cette côte sud, sèche et ensoleillée, donc très habitée, et le versant nord qui est largement boisé, humide et brumeux. De ce côté-là les Madériens ont construit un vaste réseau de canaux sinuant le long des pentes. Appelés "levadas", ces canaux sont également des sentiers de randonnée, parfois tracés à flanc de paroi. Le parcours le plus réputé démarre au-dessus du village de Santana, à la jolie maison au toit de chaume de Queimadas. En suivant la courbe de niveau, la levada de Caldeirão Verde nous emmène dans les méandres des forêts sempervirentes de Madère, jungle relique à la flore et la faune tout à fait uniques, abritant de nombreuses espèces endémiques. Il faut cheminer plusieurs heures pour atteindre le fameux "chaudron vert", un hémicycle isolé abritant une lagune et dans lequel se jette une haute cascade. Le lieu est incroyablement dépaysant et vivifiant.
Le Pico Ruivo au bout d'un long et complexe parcours d'arête
L'itinéraire, paisible au début, conduit au belvédère Ninho da Manta depuis lequel on peut admirer la spectaculaire vallée de Fajã da Nogueira. Nous ne sommes partis que depuis quelques minutes et il faut avouer qu'avec cette végétation luxuriante, ces reliefs volcaniques exubérants, sur les fonds bleus du ciel et de l'océan, c'est déjà l'extase visuelle !
Plus loin, ça devient franchement aérien. Malgré le fait que le parcours soit entièrement sécurisé par des rambardes, il n'est clairement pas destiné aux personnes sujettes au vertige. Ce n'est heureusement pas notre cas et nous avançons rapidement sur le fil de l'arête. Des escaliers ont été taillés dans les passages les plus escarpés. Des vires ont été creusées à flanc de falaise. Lorsque le terrain ne permet plus ce genre de fantaisies, on a utilisé les gros moyens : plusieurs tunnels traversent la montagne de part en part. Mieux vaut être équipé d'une frontale pour franchir sereinement ces galeries plongées dans l'obscurité.
Le sommet coloré du Pico Ruivo
Quelques lacets plus haut nous rejoignons la "voie normale" dallée, plus courte et bien moins jolie, provenant d'Achada do Texeira. Puis c'est l'arrivée au refuge du Pico Ruivo, dont je ne soupçonnais pas l'existence, qui est situé une centaine de mètres sous la cime. La terrasse est bondée de randonneurs et la fontaine est prise d'assaut. L'appel d'une bière fraîche est tentant, mais celui du sommet l'est encore plus. Alors nous repartons illico, et au prix d'un ultime coup de rein nous nous hissons en haut du Pico Ruivo (1862 m), charpente de l'île de Madère !
Là-haut, tous les 2, nous savourons l'instant, épuisés mais bercés par ce sentiment de bonheur et d'accomplissement qui accompagne chaque arrivée sur un sommet, aussi modeste soit-il. Pour définir cette sensation je dois avouer que les mots me manquent, alors vous ne m'en voudrez pas si j'utilise ceux d'un autre : "La montagne, c'est passer du souffle brisé par l'effort au souffle coupé par la beauté". Tout simplement.
Une destination de rêve donc, sur le papier, mais notre séjour débute mal : des vents forts empêchent notre avion d'atterir à Funchal, la capitale de l'île. Nous apprenons à l'occasion que c'est l'un des aéroports les plus dangereux au Monde, avec une piste d'atterrissage récemment rallongée... sur pilotis ! Nous sommes alors déroutés sur l'îlot voisin, Porto Santo. Nous y passons quelques heures, mais puisque les conditions météorologiques ne s'améliorent pas la compagnie décide de nous ramener sur le continent, à Porto. Nous en profitons pour visiter cette jolie ville durant 2 jours, tout frais payés, ce qui n'est pas pour nous déplaire, mais notre voyage à Madère est tronqué et il faudra revoir nos plans.
Deux jours plus tard c'est la bonne : le pilote brave les éléments et parvient à poser son appareil, non sans un certain soulagement des passagers. Les applaudissements sont, pour une fois, plutôt mérités. Nous débarquons enfin sur l'île, franchissons les points de contrôle "Covid" à l'aide de nos certificats de vaccination, louons un modeste véhicule, puis allons nous installer dans notre nid douillet de Paul do Mar, sur la côte occidentale.
Pour s'imprégner des lieux nous consacrons quelques jours à la découverte des côtes. Le sud tout d'abord, avec Jardin do Mar, Câmara de Lobos, et le belvédère du Cap Girão. Sur ce dernier une passerelle transparente s'avance au-dessus des 589 mètres de "la plus haute falaise maritime d'Europe". Un titre usurpé me semble t-il, mais bref... La perspective est vertigineuse pour beaucoup de gens, mais banale pour l'alpiniste que je suis !
Les deux extrémités de l'île retiennent aussi notre attention. D'un côté les piscines naturelles de Porto Moniz, formées par la lave volcanique, contre lesquelles les vagues de l'océan viennent s'abîmer furieusement. De l'autre la péninsule aride de São Lourenço, qui peut faire l'objet d'une très belle balade.
Venons-en maintenant à l'exploration des hauteurs avec l'ascension du Pico Ruivo, point culminant de Madère. Parmi les différents itinéraires conduisant au sommet, Aurélie et moi avons choisi le plus réputé et le plus esthétique : la vereda do Arieiro. Le départ a lieu au bout d'une route sinueuse, à 1800 mètres d'altitude, sur le parking du Pico do Arieiro, troisième plus haut sommet de l'île. D'ici le panorama est déjà saisissant et nous pourrions comme beaucoup d'autres nous en contenter, mais c'est sans compter notre goût de l'effort et le fait que cet endroit ultra-touristique, coiffé de son dôme militaire, de son restaurant et de son magasin de souvenirs, est plutôt de nature à nous faire fuir. Sans tarder nous nous lançons donc sur le sentier, direction nord, là où se dresse fièrement notre objectif.
Nous avons la chance, au beau milieu du sentier, de tomber sur une perdrix rouge et ses adorables bébés. Puisqu'ils ne sont pas effrayés nous restons un moment à les observer. Cette rencontre inattendue et fort agréable précède un moment qui le sera beaucoup moins. En effet l'heure est venue de payer l'addition : après maintes descentes il nous faut désormais remonter vers le Pico Ruivo. Et la chose est violente : un escalier très abrupt, bien plus long que les autres, met nos cuisses à rude épreuve. Dans le goulet rocheux qui suit il n'y a plus de vent, et le soleil tape très fort. Merci l'anticyclone des Açores !
Nous sortons de cette fournaise au niveau d'un col. Nous en profitons pour reprendre notre souffle et avaler une bonne quantité d'eau. Eau sur laquelle je vous conseille de ne pas lésiner ! Continuons : sur le versant opposé de la montagne nous traversons un curieux décor d'arbres blancs, comme fossilisés. En réalité les troncs ont été brûlés par un incendie. C'est triste mais beau, car cette montagne vient de nous gratifier de la seule couleur qui venait à manquer ! La palette est désormais complète, pour le plaisir de nos yeux.
Le panorama nous subjugue toujours autant, même après 3 heures de progression intense dans ce décor. Nous mangeons un morceau pour reprendre des forces. Le chemin du retour promet d'être long car parsemé de remontées courtes mais raides. Il faudra prendre notre temps et effectuer des pauses régulières. Ce parcours a ceci de particulier : même si l'altitude de départ et d'arrivée sont similaires, la distance parcourue et le dénivelé total ne sont pas à sous-estimer. L'endurance est la principale qualité pour accomplir cette randonnée fabuleuse mais exigeante, sur le toit d'une île aux mille visages.