Passionné d'aventures en montagne depuis mon plus jeune âge, je vous propose de découvrir ce site internet dédié à mes périples en altitude. Vous y trouverez les récits, photos, et vidéos de toutes les ascensions que j'ai réalisées à ce jour dans le monde entier.
SLÆTTARATINDUR (880 m) - Versant sud
Août 2024 - Eysturoy, Îles Féroé
Slættaratindur est le point culminant des îles Féroé, un archipel subarctique situé dans le nord de l'océan Atlantique, à mi-chemin entre l'Écosse et l'Islande. Cette montagne culmine à une altitude modeste de 880 mètres. Elle est située dans la partie nord de l'île d'Eysturoy, la seconde plus grande île de l'archipel, entre les villages d'Eiði et de Funningur.
Slættaratindur, avec son sommet plat typique des îles Féroé, est l'une des dix montagnes de l'archipel qui dépasse 800 mètres. Le second plus haut sommet, Gráfelli, se situe juste au nord-est. La montagne est un vestige de l'ancien plateau basaltique formé il y a 55 millions d'années lors de la séparation entre Europe et Groenland.
L'ascension du Slættaratindur peut être réalisée en trois heures de randonnée environ, et elle ne présente pas de véritables difficultés. En général elle s'effectue en débutant la montée entre Eiði et Funningur et en s'élevant par le large versant sud. Par beau temps la vue du sommet englobe tout l'archipel des Féroé. Il est même possible d'apercevoir l'Islande, grâce aux effets de réfraction atmosphérique, mais cette affirmation est cependant contestée. Au solstice d'été, une tradition féroïenne consiste à gravir Slættaratindur afin d'observer le soleil se coucher et se relever.
Galerie photos
Jour 1 : Føroyar, "l'île aux moutons"
Récit de l'expédition
A vrai dire notre voyage commence mal car notre avion reste cloué au sol. Heureusement les Jeux Olympiques sont diffusés sur les écrans de l’aéroport de Paris, ce qui aide à patienter. Nous décollons finalement avec 8 heures de retard et c’est en pleine nuit que nous débarquons à Vágar, le seul aéroport international de l’archipel des Féroé. Après avoir récupéré notre voiture de location nous roulons une petite heure pour rejoindre notre logement, un charmant gîte au beau milieu d’une prairie où paissent des moutons. Une ambiance pastorale alors que nous ne sommes qu’à un petit kilomètre de la capitale, Tórshavn.
Il devient de plus en plus difficile d’échapper aux canicules qui, ces dernières années et sans doute pour toutes les prochaines, s’abattent sur l’Europe en période estivale. Pour trouver un semblant de fraîcheur il faut désormais regarder au nord, vers les destinations au climat scandinave. Seulement, après avoir exploré l’Islande, la Norvège, la Suède, l’Irlande et l’Écosse, je dois dire que mes options s’amenuisent. Il reste toutefois un archipel perdu au milieu de l’Atlantique Nord, un endroit dont on parle rarement mais qui semble regorger de trésors naturels. Alors c’est tout décidé : cap sur les îles Féroé !
Jour 2 : Ascension du Slættaratindur (880 m), le « sommet plat »
Durant toute la semaine notre programme sera dicté par la météo, qui est très changeante aux îles Féroé. La langue locale compte d'ailleurs près d'une centaine de mots pour décrire ses caprices. Ici le climat est subarctique maritime, c’est-à-dire frais et venteux, avec des brouillards fréquents. Il faut donc sans cesse composer avec les variations du ciel et savoir profiter de la moindre éclaircie. C'est le cas de cette première journée, relativement ensoleillée. Nous partons donc vers le nord en direction de l’île voisine d’Eysturoy. Un long tunnel a été creusé sous le fjord afin de faciliter les déplacements des habitants et des touristes. Au milieu de cette sombre galerie sous-marine les Féroïens -dont ce n’est pourtant pas le genre- se sont permis une excentricité : un rond-point décoré par un célèbre artiste local, Tróndur Patursson.
Trônant sur le point culminant des îles Féroé !
Une fois sur Eysturoy nous voyons défiler un paysage qui, selon les apparitions du soleil, semble bucolique ou mystérieux, voire un brin inquiétant, donnant parfois l’impression qu’on va y voir surgir des créatures fantastiques dignes d’un roman de Tolkien. Nous poursuivons notre route vers le nord de l'île, là où se dresse notre premier objectif : la plus haute montagne des îles Féroé, le Slættaratindur qui culmine modestement à 880 mètres au-dessus du fjord. Cette randonnée à la difficulté modérée est devenue un incontournable, point culminant oblige.
Nous démarrons notre ascension au parking du col d'Eiðisskarð, qui s'ouvre à environ 400 mètres d'altitude entre les villages de Funningur et Eiði. Le sentier, assez fréquenté, commence par monter droit dans la pente herbeuse. Ici on ne s’embarrasse pas avec des lacets. Après trente minutes d'effort soutenu la pente finit par s'adoucir et le tracé part en travers vers le nord-ouest, en direction de la tourelle sommitale qu'il faut contourner par la gauche. La partie finale est un peu plus délicate. Il faut mettre les mains pour se hisser au sommet.
Les Féroé c'est quoi au juste ? Eh bien ce sont 18 petites îles qui ont jeté l'ancre à mi-chemin entre l'Écosse et l'Islande. Ces îles sont reliées entre elles par un confortable réseau de routes, de tunnels et de ferries. Administrativement il s'agit d'un territoire autonome appartenant au Danemark, un peu comme le Groenland voisin. Toutefois elles se revendiquent comme pays, avec leur propre gouvernement et leur langue officielle. C'est un territoire hanté, peuplé de mythes païens qui ont perduré malgré les évangélisations successives, catholique puis protestante. Mais à mes yeux c'est surtout un paradis pour les randonneurs qui explorent à tout-va les montagnes, les fjords, les vallées et landes verdoyantes, ainsi que les falaises côtières escarpées. Se rendre tout là-bas c'est faire un retour à la nature sauvage et un voyage dans le temps à la découverte des origines vikings. Voilà donc un périple plein de promesses, raison pour laquelle nos jeunes enfants nous accompagnent. Avec ce séjour familial nous souhaitons leur faire découvrir une culture et des paysages différents des nôtres, à l'opposé complet des stations balnéaires surpeuplées.
Nous voilà en haut du Slættaratindur (880 m), un nom qui signifie "sommet plat" en féroïen. On comprend tout de suite pourquoi : la cime est une vaste plate-forme, ce qui est d’ailleurs le cas de la plupart des montagnes aux Féroé. Nous prenons le goûter tout en profitant d’un paysage merveilleux. A 360° ce ne sont que montagnes énigmatiques, prairies boréales, lacs suspendus et fjords tentaculaires, qui se dessinent furtivement entre les nuages.
Retour tranquille à la voiture, puis à Tórshavn en passant cette fois par le pont d’Oyrarbakki.
Jour 3 : Falaises de Vestmanna
Pas d’éclaircies prévues aujourd’hui, mais une absence de pluie dans la matinée. C’est déjà pas si mal, en tout cas on s’en contentera ! Nous rejoignons Vestmanna, une ville située sur la côte ouest de l’île de Streymoy (la plus grande île des Féroé, celle où se trouve la capitale).
Nous montons dans un petit bateau pour une excursion organisée aux falaises de Vestmanna. L’embarcation quitte le port de pêche et se dirige vers l’ouest, en direction de la sortie du fjord. Nous observons sur notre gauche le hameau abandonné de Slættanes. Aucune route d’accès, 12 petites maisons isolées, et 0 habitants depuis 1964. Comme souvent lors de mes voyages, j’essaie d’imaginer la vie que menaient jadis les habitants dans un endroit si reculé.
Descente face au cône parfait du Malínsfjall
La houle se renforce, signe que nous sommes sortis du fjord et avons atteint l'océan. Notre navire s’oriente vers le nord et longe désormais les fameuses falaises. Il se faufile dans des grottes, passe entre des piliers et des arches rocheuses. Le décor devient monumental. Au-dessus de nous s’élèvent d’imposantes parois, verticales sur plusieurs centaines de mètres et se jetant directement dans l'Atlantique. Les vagues s’abîment avec fracas sur ces à-pics vertigineux. En levant les yeux nous pouvons observer d’innombrables oiseaux marins qui virevoltent entre les falaises abruptes. Ce sont des sternes arctiques, des guillemots, des fulmars, des mouettes, des pétrels, ou encore d'adorables macareux ou "puffin", qui sont là dans leur aire de reproduction.
Jour 4 : Crépuscule au Villingardalsfjall (841 m)
Dans le concours de la plus haute falaise maritime d’Europe, le débat fait rage. Les îles Canaries revendiquent ce titre avec Los Gigantes, Madère fait de même avec le Cap Girão, et les Féroé arborent fièrement le Cap Enniberg. Mettons tout le monde d’accord : la palme d’or est à décerner à Hornelen, une montagne norvégienne haute de 860 mètres. Toutefois ce Cap Enniberg, du haut de ses 754 mètres, n’est pas en reste et peut prétendre à la médaille d’argent. Nous décidons de lui rendre une petite visite, en profitant d’une éclaircie en fin d’après-midi.
Vers 16h la pluie stoppe et quelques rayons de soleil percent les nuages. C’est le moment idéal pour partir à l’assaut du Villingardalsfjall ! Sachez que cette randonnée est payante : 200 couronnes danoises (environ 25€) par personne, à glisser dans une boîte aux lettres près du portail de départ. C'est beaucoup, surtout pour soi-disant "entretenir un sentier" qui n’en a nullement besoin, au vu de la fréquentation et de l’absence de végétation. Il n’y a pas de contrôle, alors nous passons outre. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pourtant pas du genre frondeur, mais je n'apprécie pas que de cupides humains s’accaparent un espace naturel et en profitent pour taxer les visiteurs.
Nous longeons un torrent, franchissons une barrière métallique et commençons véritablement l’ascension. La première partie se déroule dans une prairie marécageuse où il faut sans cesse chercher le moins pire des passages. Comprenez : le passage qui vous permettra de garder les pieds au sec. Plus loin l'itinéraire, balisé par des bâtons bleus, se redresse significativement. Le terrain est désormais moins humide mais la montée n'en est pas moins délicate car le sentier a été rendu particulièrement glissant par les averses de ces derniers jours. Entre deux dérapages les enfants s'accrochent, et nous leur accordons fréquemment des pauses bien méritées. Vers 500 mètres d'altitude la pente devient plus raide encore. Il nous faut même user des mains pour franchir de petites barres rocheuses. Rien de bien compliqué mais je dois reconnaître que nous évoluons sur un terrain plus "casse-gueule" que prévu ! Une fois parvenus à 700 mètres nous débouchons sur un large plan incliné où la progression devient plus simple. Malheureusement nous sommes désormais dans les nuages. C'est donc en suivant des cairns que nous atteignons le sommet du Villingardalsfjall (841 m).
Nous nous rendons pour cela à l’extrême nord de l’archipel des Féroé, sur l’île de Viðoy. Il y a là un village au charme sans pareil, Viðareiði, qui se trouve sur un isthme entre le Villingardalsfjall, troisième plus haut sommet des Féroé (et voisin du Cap Enniberg) et le Malínsfjall, une montagne devenue "i-cônique" par sa forme parfaite. C'est un lieu merveilleux car où que l’on porte le regard, le décor est hors du commun.
Le vent souffle fort, comme souvent aux Féroé, ce qui explique qu'aucun arbre n'y pousse. Mais surtout, maudits soient ces nuages qui nous privent d'une vue qui doit être spectaculaire ! Je sais qu'en continuant plus loin, le long d'une arête aérienne, il est possible d'aller jusqu'au Cap Enniberg qui surplombe l'océan. Mais avec une visibilité nulle, quel intérêt ? Après avoir grignoté un sandwich nous choisissons donc de redescendre. Une descente en terrain scabreux mais qui s'avérera saisissante car nous faisons face à un tableau somptueux : le soleil couchant éclaire les maisons colorées de Viðareiði avec, en toile de fond, le parfait cône mordoré du Malínsfjall.
Jour 5 : Les merveilles de Vágar (Trælanípa, Múlafossur, Árnafjall...)
Les prévisions météo sont formelles : aujourd'hui nous aurons droit au ciel le plus dégagé de la semaine ! On annonce de larges éclaircies, ce qui devrait embellir le paysage. Il faut donc mettre au menu du jour les plus belles balades, histoire d’en voir de toutes les couleurs. Et s’il y a un endroit que je veux voir avec du soleil, c’est bien l’île de Vágar. En effet sa côte sud recèle de véritables merveilles, qu’il nous tarde de découvrir.
Premier objectif : le promontoire rocheux de Trælanípa. Cette randonnée débute au-dessus du village de Miðvágur. Là encore il faut passer au tiroir-caisse pour accéder au départ du sentier, mais on peut s’y soustraire discrètement. L'itinéraire longe le plus grand lac des îles Féroé. Un lac qui a une particularité : son nom dépend de la rive sur laquelle on se trouve ! A l’ouest on le nomme Sørvágsvatn, tandis qu’à l’est -où nous sommes- il est connu sous le nom de Leitisvatn.
Le lac "flottant" au-dessus de l'océan
Après 45 minutes de marche facile, sur un excellent sentier, nous atteignons un lieu très particulier. En effet au bout du lac gronde Bøsdalafossur, une spectaculaire cascade qui se déverse directement dans l’océan, s'écrasant contre le récif dans un bouillonnement d’écume. C’est ce qui rend cet endroit si spécial : le lac est collé à la côte, mais 30 mètres plus haut. Pour bien s'en rendre compte il faut prendre de la hauteur sur le promontoire de Trælanípa (142 m), qui se termine par une falaise vertigineuse, et depuis lequel on a un effet d’optique donnant l’illusion que le lac flotte au-dessus de l’océan ! Une sorte de vasque miroitante, comme suspendue au bord du vide, aux allures de piscine à débordement géante.
Après un déjeuner express à l’aéroport, qui est sur notre route, nous faisons une halte près du village de Bøur. Ici il ne faut pas manquer de regarder au large, vers deux îlots inhabités aux formes insolites : Tindhólmur, avec ses pitons rocheux très élancés, et Drangarnir, une immense arche naturelle. Ces deux piles marines emblématiques jaillissent de la mer. Les géologues appelent cela des "stacks", c’est-à-dire des éperons qui ont été séparés du littoral par l’érosion marine. Une fois encore nous sommes témoins du talent artistique de la nature !
En poussant plus à l'ouest nous parvenons au village de Gásadalur, un nom qui signifie la "vallée des oies". Ce hameau fascinant, niché entre mer et montagne, fut longtemps isolé du reste de l’île. Il n’était relié par aucune route jusqu’en 2003, date à laquelle on a finalement percé un tunnel.
Nous faisons une halte à la célèbre cascade de Múlafossur. Et là je dois dire que l'émerveillement atteint son paroxysme. Le tableau est tout simplement parfait. C’est d’ailleurs la carte postale des îles Féroé : la cascade se jetant dans l’océan, avec en arrière-plan les petites maisons colorées du village, bâties avec du bois d'échouage faute d'un seul arbre sur place, le tout encadré par deux belles montagnes escarpées. Très sincèrement, je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu un endroit aussi charmant.
Vous devez vous en douter, les deux montagnes en question ont immédiatement retenu mon attention. Comment pourrais-je résister à l'idée de les gravir, ces séduisantes Heinanøva et Árnafjall, puisque c'est ainsi qu'elles se nomment ? Leur hauteur est modeste mais sachez toutefois qu'il n’est pas simple de leur rendre un petite visite. En effet il n'existe aucun itinéraire d'ascension établi. J'avais fait chou blanc lors de mes recherches sur internet. Tout juste avais-je déniché le récit d’un blogueur monté au hasard par le raide flanc sud-est. Vu du village, cela semble en effet être la voie la plus logique...
Gásadalur, le paradis sur Terre ?
Bonne pioche ! La pente se couche progressivement et je sens les rayons du soleil revenir sur mon visage. Je sors enfin sur le large col qui, à environ 500 mètres d’altitude, sépare mes deux objectifs. Je me tourne en premier lieu vers l'Árnafjall (722 m), qui a davantage de prestance. C’est d’ailleurs le plus haut sommet de l’île de Vágar. La montée finale est faite au pas de course, dans une très large pente qui n’oppose aucun obstacle. J'atteins avec fierté le sommet depuis lequel la vue est magnifique.
Je me lance dans l’aventure, laissant mes proches se promener dans le cadre enchanteur du village car je considère qu'il ne serait pas raisonnable de les embarquer dans une ascension aussi hasardeuse. Je commence par prendre un peu de hauteur au nord, dans des pâturages où paissent des vaches Highland. Puis je bifurque sur ma gauche et attaque frontalement la grande pente.
Au nord sont alignés, tels des géants au garde-à-vous, des piliers rocheux gigantesques séparés par des bras de mer. Ce sont les falaises occidentales de l'île de Streymoy, que nous avons longé en bateau deux jours plus tôt. Du côté ouest c’est l’île de Mykines qui occupe l'horizon, un autre joyau dépeuplé de l’archipel féroïen, bien connu des ornithologues du monde entier car sanctuaire de milliers d'oiseaux de mer.
A partir d'ici ce n'est plus la même limonade : le terrain devient très raide et glissant. Il n'y a aucun cairn, ni aucun sentier, si ce n'est des traces de moutons qui ne mènent nulle part. Je garde néanmoins le rythme, montant en cadence, le souffle haletant et le palpitant à bloc. J'ai les cuisses et les mollets en surchauffe, et le sentiment grisant de réaliser une première ! Je ne m'octroie pas la moindre pause, sauf quelques coups d'œil pour constater qu'au-dessus de moi se dressent plusieurs barres rocheuses successives. Impossible de savoir quel est le meilleur cheminement. Après hésitation j'opte finalement pour une montée à l'intérieur d'un goulet étroit. Ce n'est pas le plus commode car l'endroit est humide et encombré de blocs instables, mais c'est la seule ligne pour laquelle j'ai de la visibilité. Mon instinct me dit qu'elle débouche nettement plus haut, près du col de Skardi...
Je redescends en vitesse, impatient de retrouver ma famille, mais également pour échapper à une averse car le ciel se couvre rapidement. Ainsi se termine cette inoubliable journée sur Vágar, l'île aux trésors, durant laquelle nous avons été constamment immergés dans des décors spectaculaires.
Jour 6 : Kallur, errance au bout du bout du Monde
En déjeunant nous constatons que des éclaircies sont prévues pour la fin d’après-midi, en particulier sur la partie septentrionale du pays. Cela ne pouvait pas mieux tomber car il y a là-bas un lieu emblématique que nous tenons absolument à voir : le phare de Kallur. Alors en route !
Je reviens au col et file côté opposé jusqu’à la cime de l'Heinanøva (612 m). Une ascension vite pliée elle aussi, vers un pic qui présente moins d’intérêt panoramique mais dont la face ouest est impressionnante, je dirais même effrayante, de verticalité. Mieux vaut rester éloigné du bord pour s'éviter un interminable plongeon fatal dans l'océan. En tout cas c'est sans doute l'un des sommets les moins élevés de ma carrière, mais quelle impression de hauteur !
En soirée la météo est clémente et propice à une visite de la capitale Tórshavn. Nous déambulons dans les ruelles, à la découverte de cette cité et de ses quartiers historiques. Notre promenade nous amène naturellement sur la petite presqu’île de Tinganes, siège millénaire du Løgting, le premier parlement monocaméral qui s'est formé en 825 à l'époque des Vikings. Non loin de là, ne manquez pas la cathédrale entourée de pittoresques habitations colorées aux toits garnis de pelouse.
Aux Féroé les tunnels routiers ne manquent pas. Néanmoins, aucun ne relie la ville de Klaksvík à la petite île de Kalsoy, manifestement plus sauvage que les autres. Pour s’y rendre il faut embarquer dans un ferry rudimentaire aux places limitées (seulement 12 voitures). Pensez à réserver à l’avance ! Après une courte traversée nous voilà sur Kalsoy. Nous remontons dans notre véhicule puis, de tunnel en tunnel, toujours aussi étroits et lugubres, nous roulons vers le nord jusqu’au dernier village, Trøllanes.
Le phare de Kallur et la falaise de Borgarin
C'est un monument maritime discret, posté sur un tertre herbeux et entouré de précipices mortels. Pour voir le clou du spectacle, c'est-à-dire profiter de la célèbre vue du phare avec l'immense falaise de Borgarin en arrière-plan, il faut aller un peu plus loin, le long d'une arête saillante. Et ce n'est qu'en marchant avec le plus grand soin sur ce fil de rasoir glissant que l'on finit par atteindre le point ultime, celui depuis lequel les randonneurs prennent frénétiquement des photos.
Quoi qu'il en soit, chers randonneurs et amoureux de la nature sauvage, sachez qu'en venant aux Féroé le coup de foudre est assuré. Comment ne pas s'émerveiller devant ces 18 cailloux accrochés au 62ème parallèle, ces îles bardées de falaises, ces millions d’oiseaux marins, ces maisons traditionnelles aux toits d’herbe, ces vallées solennelles où s'amarrent des fermes solitaires et ces montagnes jaillissant des eaux sombres, aux confins de la mer de Norvège ? Venez donc explorer ce "pays du peut-être" comme l'avaient surnommé les Anglais, avec leur art consommé de la litote.
Une fois encore la randonnée est payante. La première montée s'effectue en dévers, ce qui est très inconfortable car le terrain est boueux et extrêmement glissant. Il faut avancer précautionneusement car à chaque pas nous risquons de déraper. Des bâtons de marche auraient été bienvenus, voire indispensables… Heureusement la partie qui suit est plus aisée, en pente douce. Puis nous terminons par un crochet sur la gauche pour rejoindre le célèbre phare de Kallur.
La perspective est magistrale, quasi irréelle : le phare, la falaise, les fjords, les îles voisines... Tout semble sortir d'un rêve nappé de brouillard. Et nous sommes là, seuls au bout de notre vaste monde, lui-même n'étant qu'une boule égarée dans l'Univers.
Après cette parenthèse enchantée, revenons à des choses plus terre à terre. Sur le chemin de la civilisation nous faisons deux détours, puisque les conditions météo le permettent, afin de profiter plus encore de cet endroit fabuleux. Tout d'abord nous passons auprès de la fausse tombe de James Bond ! En effet nous sommes sur le lieu de tournage d'un des films du célèbre espion britannique, "Mourir peut attendre" sorti en 2021. Ce qui a d'ailleurs valu à l'île de Kalsoy une nouvelle renommée mondiale.
Puis, mon fils et moi, nous partons à l'assaut du Borgarin (537 m). Nous attaquons cet insolent promontoire par des pentes herbeuses très raides, en louvoyant entre les ressauts rocheux. Une fois sur la spacieuse prairie sommitale nous passons près d'un somptueux étang et rejoignons le point culminant au soleil couchant. Nous ne restons pas très longtemps là-haut car il se fait tard et manifestement notre présence importune les huîtriers, qui crient et défendent leur nid en piquant droit sur nous, avant de se détourner à quelques centimètres de nos visages ! Désolé pour le dérangement.
Descente directe au village de Trøllanes. Nous nous engouffrons dans la voiture et retraversons la "flûte", puisque c'est ainsi qu'on surnomme l'île de Kalsoy, pour sa forme allongée et les nombreux tunnels qui y ont été creusés. Une fois à l'embarcadère de Syðradalur nous embarquons dans le radeau d'artillerie qui nous sert de ferry pour revenir à Klaksvík puis, à minuit passé, dans notre gîte en périphérie de Tórshavn.
Jour 7 : Saksun, Fossá, et la der’ au Malínsfjall (750 m)
C’est déjà le dernier jour de notre voyage ! Il y aurait encore tellement de choses à découvrir sur cet archipel féroïen, mais notre temps est limité, alors il faut aller à l'essentiel. Nous choisissons dans la matinée de nous balader à Saksun, un village très reculé, bien planqué dans un coin nord-ouest de l’île de Streymoy, comme une sorte d’antipode à la capitale. On y accède par une vallée sauvage, en empruntant la route 53 qui suit les méandres de la rivière Stora.
Au détour d’un virage nous découvrons ce minuscule hameau, connu pour son atmosphère sereine et sa simplicité bucolique. En contrebas des maisons en bois coiffées de leur typique toit végétal se trouve la lagune saumâtre de Pollurin, encerclée de hautes falaises depuis lesquelles se jettent de nombreuses cascades (plus nombreuses en tout cas que les habitants !). C’est un paysage très apaisant, malheureusement des ondées nous obligent à écourter notre promenade.
Saksun la verdoyante
Nous faisons ensuite un léger détour pour aller voir Fossá, la plus haute cascade des îles Féroé. Elle se décompose en deux parties. La plupart des visiteurs s’arrêtent au bord de la route de Tjørnuvík pour photographier la deuxième chute d’eau. Mais faites plutôt une courte randonnée et montez admirer la première chute, nettement plus belle.
Nous revenons le midi à la capitale et je dois dire que malgré la météo maussade, il me plairait de faire une dernière ascension avant de dire adieu aux îles Féroé. Le grimpeur en moi a déjà une idée derrière la tête, qui d'ailleurs n’était pas dans le programme initial du séjour : escalader le Malínsfjall. Souvenez-vous, il s’agit de cette montagne en forme de cône située tout au nord de l’archipel. Mais peut-on seulement grimper là-haut ? Vues depuis le village de Viðareiði, les pentes avaient l’air très scabreuses… Je me dis alors que la solution se trouve peut-être de l'autre côté. Il faut aller voir, prendre la montagne à revers et chercher un passage dans le versant sud qui m'est totalement inconnu.
Pour cela je me gare quelques kilomètres avant le village, à la sortie du dernier tunnel. Et c'est reparti pour l'aventure ! Il n’y a vraisemblablement aucun sentier, par conséquent je monte au feeling dans de vastes pâturages. Des moutons isolés me regardent passer, insouciants. Il est étonnant d’ailleurs de voir ces moutons se déplacer en liberté dans tout l’archipel, parfois sur des escarpements inaccessibles. Comment le berger fait-il pour rassembler ses bêtes dispersées aux quatre vents ? Notez au passage qu’il y a 80 000 moutons aux Féroé, c’est-à-dire plus que le nombre d’habitants !
La pente se redresse au fur et à mesure que mon objectif se rapproche. Le sol moussu et détrempé laisse maintenant place à une grande pente terreuse. Je continue de m'élever directement dans la face sud, assez raide et instable. C'est avec joie que je débouche finalement sur l’immense plateau sommital. Un cairn marque la cime du Malínsfjall (750 m), un peu plus loin. Je suis comblé d’avoir gravi cette montagne singulière. Toutefois le panorama est un peu décevant car le soleil est aux abonnés absents. Mon regard plonge sur le village de Viðareiði, mais ne peut accrocher le Villingardalsfjall dont le sommet est cerclé de brumes.
Jour 8 : Intactes, âpres et vertigineuses
C'est avec un petit pincement au cœur que nous prenons le chemin de l’aéroport. Notre séjour touche à sa fin et nous garderons un excellent souvenir de cet archipel. Ici la nature est insondable et semble profondément ancrée dans le caractère des habitants. Si seulement ces derniers pouvaient ne pas confondre tradition et barbarie ils mettraient un terme au grindadráp, une chasse aux cétacés très contestée qui continue à être pratiquée dans les îles, et ce serait parfait.
Ce matin un déluge s’abat sur la capitale. C'est donc l’occasion de découvrir Tjóðsavnið, le Musée national des îles Féroé. Une visite très instructive qui en dit long sur l’histoire de l’archipel, de sa colonisation par des Scandinaves au VIIe siècle jusqu'à nos jours, en évoquant, vieilles photos à l’appui, la rude vie des habitants d'autrefois. La prospérité est venue tard, avec l'essor de la pêche à grande échelle, puis le développement du tourisme. On trouve également beaucoup d’informations intéressantes concernant la géologie, la faune locale, la religion, les costumes traditionnels…